mercredi 29 janvier 2014

Et si on faisait un peu d'anthropologie du portage?





Les mammifères ont été classés selon leurs modes d’adaptation à leur environnement au moment de la naissance[1]. Il y a trois catégories :
Les nidifuges : les petits arrivent a se déplacer comme les adultes dans les heures qui suivent la naissance (poulains, veau, antilopes…). Ils restent toujours près de leur mère.
Les nidicoles : Les petits naissent sans poils, avec les yeux et les conduits auditifs fermés. Le lait ou la nourriture apportée par les parents doit être riche et apporter un sentiment de satiété suffisant pour qu’ils puissent se passer ponctuellement de leur mère. Ils sont toujours plusieurs ce qui permet d’avoir de la chaleur (chat, souris…).
Les Portés : ce qui est le cas des primates, des marsupiaux et de l’Homme. Dans ce cas c’est le corps de la mère préférentiellement (mais cela peut être une autre personne aidante)  qui devient « le nid ». 



L’Homme (Homo sapiens), cousin des primates, a dans son évolution perdu sa fourrure et sa stature pour devenir un homme debout et sans poil. Lorsqu’on observe ses proches cousins ; les petits singes s’agrippent à l’aide de leurs mains et de leurs pieds à la fourrure de leur mère. Ceci pendant toute la première période de vie. Le petit participe activement en s’agrippant au corps de sa mère.
Mais avec l’évolution nous avons perdu la matière à quoi nous agripper (les poils) et le moyen de le faire (gros orteil opposable). Nous avons pour autant garder les réflexes archaïques dont le réflexe d’agrippement (grassping) : lorsqu’on stimule l’intérieur de la main ou du pied du nouveau né, on observe une flexion ferme des doigts et des orteils. Le bébé referme ses doigts sur la prise à tel point qu’on peut le soulever.


Il est vraisemblable que le porte bébé ait été une des premières inventions de nos ancêtres. Selon Blandine Bril, psychologue et anthropologue, la première représentation d’un enfant porté provient de peintures rupestres de l’époque magdalénienne, il y a environ dix mille ans.  D’après l’archéologue britannique Timothy TAYLOR, c’est il y entre 1,8 et 1 millions d’années que les femmes auraient « inventer » le porte bébé : un morceau de peau animale noué de façon à former une poche porté en bandoulière (que certains peuples utilisent toujours). Pour lui « l’invention apparemment triviale du papoose ou porte-bébé, il y a environ un million huit cent mille ans a été déterminante car elle a permis de prolonger et d’intensifier la période de développement cérébrale chez les nourrissons »[2]

En effet, l’évolution et surtout le fait d’être passé à la station debout ont modifié la filière pelvienne. Parallèlement, le cerveau et donc la boite crânienne ont grossi sans que le bassin des femmes ne s’élargisse. La nature a donc fait que nos petits naissent « immatures » pour pouvoir encore passer par ce chemin étroit. Nous naissons donc « prématuré ». 

En se basant sur l’évolution de la taille du cerveau entre la naissance et la taille adulte chez l’Homme et chez d’autres mammifères, on observe qu’à la naissance le cerveau du petit Homme fait 25% de sa taille à l’age adulte. Alors que pour la plupart des autres mammifère ce chiffre avoisine à peu près toujours les 80% (45% chez le chimpanzé). Pour en arriver à ce même pourcentage, il faut compter chez le petit Homme environ 21 mois après la conception (soit 12 mois après sa naissance !). Nos bébés naissent donc « prématuré » d’environ un an, un an où ils ont besoin d’aide pour survivre[3].

Il a donc d’autant plus besoin de rester près de sa mère. Le portage répond à ce besoin de proximité (chaleur, nourriture avec l’allaitement..) mais en plus répond aussi au besoin de sécurité crucial. A l'époque des premiers Hommes poser un nouveau né à terre, voir même un bébé c’est laisser une proie facile et sans défense aux différents prédateurs qui rodent. Le petit risque aussi tout simplement de mourir de froid.




Une dernière photo juste pour le plaisir parce que je la trouve géniale




[1] DETTWYLE Katherine  anthropologue (www.kathydettwyler.org), Franz Renggli « les bébés veulent être portés », Bâle 25 avril 2001

[2]  TAYLOR Timothy, La préhistoire du sexe , édition Bayard 1998


[3]Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau,  Porter bébé, avantages et bienfaits - éditions Jouvence 2005

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